Piste de recherche
Des anticoagulants qui font moins saigner en cas de blessure ?
En juin 2024, l’un des abonnés de notre page Facebook a posé cette question : « Avez-vous des informations concernant les anticoagulants MPI 8 ? Une demande de brevet est en cours. Apparemment les risques de saignement seront fortement limités. »
Pour vous aider à comprendre de quoi il retourne si vous n’êtes pas aussi averti que cet abonné, partons du commencement, et en termes imagés.
La coagulation est un mécanisme très complexe qui fait intervenir différents « acteurs » en cascade. Traduction ? Quand Jacques pense que le sang doit coaguler, il le dit à Christine qui en parle à Bernard qui prévient Josiane qui informe Gontran et ainsi de suite jusqu’à ce que, finalement, la coagulation soit bel et bien enclenchée.
L’avantage d’une cascade de ce genre ? À plusieurs étape, un contrôle peut être effectué. Pour reprendre notre image, Josiane, qui est avertie par Bernard, reçoit ou non une confirmation de transmettre l’information à Gontran grâce à l’intervention d’Edouard.
L’existence de ces différents « acteurs » a permis aux chercheurs de développer différents anticoagulants, les uns visant Christine, les autres Bernard ou Gontran.
Cette cascade constitue ce qu’on appelle une voie d’activation de la coagulation. Et il n’y en a pas qu’une ! L’alerte peut aussi être donnée par Amandine qui, elle, en parle à Léo, qui en parle à Iris qui prévient Gontran dont on a fait la connaissance dans la première cascade.
MPI 8, que mentionne notre abonné, vise à bloquer l’une des voies d’activation de la coagulation en inhibant les polyphosphates. Traduction : MPI 8 empêche Pacôme de parler à sa voisine. Or – et c’est là qu’est l’espoir d’identifier un anticoagulant qui ne fasse pas trop saigner en cas de blessure –, cette voie d’activation ne joue pas un rôle majeur dans la coagulation. En la bloquant, les chercheurs espèrent empêcher la formation de caillot sans altérer trop fortement la capacité de notre sang à coaguler en cas de lésion.
Pour l’instant, cette molécule est testée sur des animaux. Il va falloir encore plusieurs années de travail aux chercheurs avant d’envisager évaluer cette molécule chez l’être humain et – en cas de résultats positifs – encore plusieurs années pour la mettre à la disposition des patients… Mais la recherche avance et la nouvelle génération bénéficiera peut-être de cette nouvelle molécule !
Pour finir, voici la réponse précise du Professeur Drouet concernant MPI 8 (Macromolecular Polyanion Inhibitor 8) :
« L’implication des polyphosphates dans l’activation de la phase contact et de l’inflammation est connue depuis une vingtaine d’années. L’implication de la phase contact dans l’hémostase et la coagulation n’est pas majeure et son implication dans la thrombogenèse est hypothétique. L’idée d’inhiber cette voie pour empêcher la thrombogenèse sans agir sur l’hémostase est donc intéressante mais loin d’être prouvée.
Une façon de montrer la place de la phase contact dans la thrombogenèse est d’évaluer l’activité antithrombotique des inhibiteurs de phase contact. C’est pour cela que les MPI sont des outils testés dans les modèles animaux de thrombose. Certains semblent avoir un effet et peuvent donc être une piste pour développer de nouvelles générations d’antithrombotiques qui n’agissent pas sur l’hémostase et la coagulation.
C’est donc encore le tout début d’une évaluation théorique et expérimentale. Il faudra envisager de nombreuses années d’un développement positif pour envisager d’abord d’évaluer de telles molécules chez l’être humain et encore plus pour les utiliser en thérapeutique quotidienne. »
Un jeu en bonus pour ceux qui ont lu jusqu’ici : si on mettait une bulle au dessus de chacun de ces « acteurs » dans l’illustration de cette publication, que diraient-ils ?
Voici la proposition (loufoque !) du Créatif
Un peu d’humour qui n’empêche pas d’admirer intensément ce fabuleux mécanisme qui fait passer notre sang de l’état liquide à l’état solide et sans lequel nous serions en grand danger à la moindre blessure.